A l’Abordage,
d’après Le Triomphe de l’Amour de Marivaux,
mise en scène de Clément Poirée
06 décembre 2022, Série A.


 

Le metteur en scène : Directeur du Théâtre de la Tempête depuis 2017, il a travaillé pendant 17 ans, avec Philippe Adrien, qui fut parmi ses nombreuses activités, lui aussi metteur en scène. Il créa sa compagnie théâtrale : la Compagnie Hypermobile et également des spectacles à l’attention du jeune public : Le Petit Théâtre d’Ombres-Giboulées. Clément Poirée a notamment dirigé des formations au Conservatoire national supérieur d'art dramatique et à l'Université de Nanterre Paris-Ouest, à destination d’artistes professionnels. Le spectacle que nous sommes allés voir fut nominé aux oscars 2022.

La conférence : Clément Poirée n'a jamais eu l'intention de monter un spectacle sur ce roman qui avait des « qualités spectaculaires ». Néanmoins il souhaitait rencontrer Emmanuelle Bayamack-Tam, une romancière, qui écrivit le texte pour la pièce. Il avait envie de transposer le texte dans un autre art, de l’adapter et de le réécrire pour le média. C. Poirée nous évoqua qu’elle fut complètement perdue quand il lui expliqua son projet et son interrogation première fut « Comment avez-vous obtenu mon numéro ?». C.Poirée et E. Bayamack-Tam poursuivirent leur discussion sur Le Triomphe de l’amour, de Marivaux ; auteur « cruel et brutal ». Emmanuelle s'est emparée du Triomphe de l'amour et des répliques, qu’elle trouvait « très belles », pour réinventer l’histoire tout en conservant la même structure que Marivaux ; ce qui fut apprécié par C. Poirée qui nous partagea que « Dans l'écriture il y a quelque chose de vivant. Une vie qui fait qu'une conversation s'engage entre des auteurs d'époques différentes.  Et ce « vivant » nous a été transmis par l’énergie des comédiens. C. Poirée parla d’une « inspiration active et vivante », avec des rôles sur mesure, un choix d’E. Bayamack-Tam que l’aspect politique ne soit pas au centre. Selon C. Poirée, le rôle de metteur en scène est « modeste » ; il consiste à faire ce que les autres de ne peuvent pas : « L'idiot couronné [le metteur en scène] et le roi de la représentation c'est le public ». Il y a un véritable besoin d’avoir des réactions aux répétitions pour préparer le " grand rendez-vous", avec un « espoir incroyable, une espérance d'être porté, entre la salle et le plateau, et de conduire le regard du spectateur » pour se laisser traverser par les émotions, « redéployer le monde » et surtout partager des rires, des larmes au théâtre, ensemble, public, metteur en scène et comédiens, pour « apporter un rêve »   au public. Le monde déployé par les comédiens fut une réussite : je crois que nos professeurs se souviennent encore de nos rires et exclamations… Pour C. Poirée, le récit symbolise notre rapport au monde. Pour lui, c’est aberrant qu’on « condamne la jeunesse à porter le poids des générations précédentes ». Il nous donna un conseil : Ne pas accepter la sobriété car avant cela n'a jamais été fait » car il est « inacceptable que les jeunes entendent que leurs vies sont foutues et qu’ils doivent réparer les erreurs du passé ». S’ensuivit divers aspects de la pièce : le chaos qui vient de la joie [paradoxal], l'importance de ce qui triomphe, l'idéalisme morbide, l’intérêt du moment présent, le « Feu » qui anime les ambitions… Pour lui, ce fut réjouissant de travailler sur un texte qui s’emparait de ces éléments. Son résumé de la pièce est celui-ci : « Allez-y ! ».

Le spectacle : Face à une communauté où l'amour est dangereux, et où il faut se protéger du monde, nous découvrons deux personnages féminins qui vont conquérir « l'objet de l'amour », c’est-à-dire, l'homme, dans cette histoire. Ce spectacle présente un point de vue marqué sur les communautés fermées au monde extérieur et dont l’intérieur « rompt avec le désir. ». Au fil du temps, les personnages masculins (secte masculine, hormis la sœur du chef), vont être confrontés au désir et à l'image d'eux-mêmes ouverts à ce ‘nouveau monde’ qui était tenu à distance par leur chef. Tandis que nos deux jeunes héroïnes elles, prônent l’insouciance de leur âge, les sentiments et les plaisirs amoureux. Ces héroïnes tentent de montrer aux hommes comment le désir s’exprime et se partage. L’énergie des comédiens, des comédiennes nous transportait dans l’action et nous faisait réagir aux choix des personnages, à leurs gestes et leurs paroles. Au fur et à mesure de la pièce, les hommes se mettaient en marge de leur secte, qui n’avait jamais été remise en question. Le choix des décors est incontestablement « parfait », la pièce peut symboliser l’enfermement, donc la secte ; mais les hautes fenêtres avec les espaces qui les délimitent, les rideaux, tout ceci permettait aux personnages de se cacher, se montrer et surtout, ils pouvaient se confronter éloignés par ces éléments ou rapprochés dans l’enceinte de cette pièce fictive ; barrières idéologiques de la secte, et non réellement physiques.

Les avis : « Je trouve que c’est vraiment une bonne pièce. Ils ont abordé avec humour des sujets fondamentaux. Je recommande ce spectacle car tout le monde n’ose pas parler de féminicides, de polygamie ou de relations sexuelles. Pour moi, c’est important qu’ils aient montré les différentes perceptions de l’amour. Je trouve cela dommage qu’on puisse penser qu’une vie sans amour est une vie triste. On peut être heureux sans avoir quelqu’un toujours à ses côtés et inversement, on peut être malheureux avec une personne à ses côtés ; ce qui fut le cas dans la pièce, pour Ayden (David Guez), qui voyait son père être violent envers sa mère. Je trouve que c’est un bon décalage entre les visions qu’on avait de l’amour avant et maintenant. Encore une fois, c’est une excellente pièce, qui met en avant des sujets essentiels ; et l’actrice principale (Louise Grinberg-Sasha) s’est mise à nue pour symboliser la puissance des sentiments. » Océane Chevalme, 1ère année de licence

« Durant son intervention, Clément Poirée a conseillé aux lycéens : « Ne vous laissez pas confisquer la joie. Refusez la sobriété ! » Ce qui est l’exact propos de la pièce, qui nous donne à entendre la vitalité de Marivaux et l’écriture contemporaine d’Emmanuelle Bayamack-Tam. C’est donc un spectacle réjouissant, malgré des longueurs et quelques facilités. » Mme Bros, professeure de français


Bruno Blairet- Kinbote
Sandry Boizard-Théodora
François Chary-Arlequin
Joseph Fourez- Dimas
Louise Grinberg- Sasha
Elsa Guedj- Carlie
David Guez- Ayden

 

Merci au metteur en scène pour les photos faites par Morgane Delfosse.

 

 

 

Clémence THENARD-DUVIVIER, 1°09