« Phèdre » de Jean Racine,
montée par Brigitte Jacques-Wajeman

 

Le 15 octobre, au théâtre de Fontainebleau, l’École du spectateur a débuté la série B de cette année, avec la pièce de Jean Racine tant attendue depuis trois ans… Phèdre, montée par Brigitte Jacques-Wajeman !

Les élèves ont eu la chance de participer à la conférence de la metteuse en scène qui précédait la pièce.

Le rapport qu’entretient B. J-W avec cette œuvre et Racine est profond, « je crois que j’ai toujours adoré Racine » dit-elle. Elle nous a expliqué le désir qu’elle avait d’« explorer cette pièce extraordinaire ». Pièce qui traverse un grand nombre d’émotions, d’états… le désir amoureux, presque « sauvage » et l’« admiration folle » d’Hippolyte pour son père tout en rejetant le « père séducteur ». B. J-W employait le terme d’« érotomanie » pour décrire la puissante attirance de Phèdre pour Hippolyte. La pièce nous amène à réfléchir sur la « teinte de l’amour » au travers des vers de Racine. Avec sa mise en scène, B. J-W veut nous faire découvrir les « vers les plus beaux du monde » et la philosophie incarnée dans une langue d’une beauté inouïe. Cela a été travaillé avec les acteurs, jusqu’à ce que le personnage de Phèdre prenne le contrôle du corps de l’actrice, nous révélant une Phèdre brûlée par la passion amoureuse et blessée par la violence de la jalousie. Nous sommes exposés à une « énigme de ce qu’est la passion ». Laissant place au coup de foudre « criminel » et à la violence de la jalousie, Hippolyte sera « figé par le désir » de cette femme qui s’offre à lui. La séduction est poussée à l’extrême, avec une Phèdre qui se dénude face à Hippolyte pour lui déclarer son ardent désir et prouver l’amour qui la rend prisonnière de ses sentiments inavouables jusqu’à ce moment. Phèdre est emparée d’une jouissance qu’elle ne peut fuir et qui lui est insupportable. C’est aussi la relation qui lie Thésée et son fils Hippolyte qui est d’une grande violence. B. J-W, en évoquant « un sournois érotisme de Thésée », mettais en avant cette fausse rivalité que le père s’invente contre son fils, il laisse l’idée de trahison l’envahir et se fait plus cruel avec lui, « le père est un tueur de monstres ; il est monstre lui-même ». Le tragique est dévoilé par la complexité des liens entre ces personnages. Peut-on mettre en avant l’inceste ? Hippolyte n’est pas le fils de Phèdre mais le lien qui les unis est tel celui d’une mère et son enfant. La transgression des règles ici est lus intéressante que l’âge des personnages, selon B. J-W.

Le décor, qui a pu surprendre, est, d’après les explications de la metteuse en scène, un espace sacralisé, avec une grande stèle qui symboliserait une sorte de labyrinthe et permettrait d’évoquer les Dieux sans les rendre pour autant apparents dans la pièce. Le sable disposé sur la presque entièreté de la scène, laissait visibles les déplacements des acteurs et accompagnait les émotions. J’entends par là qu’il appuyait les mouvements et symbolisait des émotions si fortes, que ces dernières laissaient une trace visible. Cela est davantage mis en valeur avec l’actrice jouant Phèdre dont l’interprétation est époustouflante. Je dois avouer que c’est ce qui m’a le plus captivé, et je ne devais pas être la seule. L’actrice ne jouait plus, elle donnait vie à Phèdre. Une Phèdre déchirante, poignante et parfaitement libérée par l’actrice, avec des mouvements et un contact assez fort avec le sable : elle se traîne, s’allonge, s’appuie contre la stèle… Cela transmet la terrible douleur qui étouffe et emprisonne Phèdre.

Cette mise en scène fut incontestablement une belle interprétation du texte racinien.

Quelques avis sur la pièce :

« Cette mise en scène de Phèdre choisi des costumes et des décors ni tout à fait contemporains ni tout à fait antiques, dans un entre-deux montrant l’universalité de l’histoire de Phèdre.
Les personnages sont traversés d’émotions intenses, allant de l’euphorie à la colère noire, et nous les font ressentir avec brio. Seul Hippolyte semble fade en comparaison. En somme une très belle mise en scène d’un classique du théâtre. »  - Côme Tripier, membre de l’atelier théâtre 1ère 09

« Une mise en scène excellente avec cette idée de marquer les mouvements des personnages dans le sable, sans compter tout le jeu des ombres qui apportait beaucoup sur l’émotion des personnages. Le jeu des acteurs était impeccable et plus qu’intéressant de voir Phèdre aussi passionnée voir effleurer la folie dans certains actes. » - Neal Griffin, membre de l’atelier théâtre, Tle 04

« Je trouve la mise en scène de Brigitte Jacques-Wajeman intelligente, au sens où elle n’est pas écrasée par le texte phénoménal de Racine ni dans une volonté de le désacraliser. Au-delà de la beauté des vers, elle fait véritablement entendre le sens de l’histoire, ce que raconte l’auteur. Elle évite le piège qui consiste à se laisser emporter par la mélodie de l’alexandrin car elle s’intéresse à ce que dit fondamentalement Racine.

Par ailleurs, sa direction d’acteurs est précise et assumée. Elle tire, je crois, le meilleur de sa troupe. L’actrice jouant Phèdre est parfaite : reine, animale, déraisonnable et lucide, sensuelle et pitoyable. L’acteur jouant Hippolyte exprime parfaitement son innocence. Thésée est convaincant. Beau sable noir. » - Mme Bros, professeur de français.

 

Clémence Thenard-Duvivier, 1ère 09